Saint Vincent de Paul est né en 1581 donc après le Concile de Trente (1542-1563) et il meurt en 1660 à l’âge de 79 ans, une centaine d’année après ce concile qui réforma profondément et sur bien des points notre Église.
A la suite des guerres de religion et de la Ligue (1587-1596) auxquelles met fin Henri IV par l’Édit de Nantes en 1598 (Vincent a alors 17 ans) commence une période de créativité spirituelle et pastorale au début XVIIe siècle entre 1598 et 1629, année de la mort du cardinal Pierre de Bérulle. Celui-ci a été sans doute le premier représentant majeur de l’école française de spiritualité en remettant le Christ au centre de la vie des chrétiens catholiques avec l’idée de l’incarnation continuée. La Mission de l’Église doit être de prolonger cette incarnation ». Le Pape voit en lui l’« Apôtre du Verbe incarné » et selon Louis-Marie Grignion de Montfort, c’est lui aussi qui étendit en France la dévotion à Marie.
Mais revenons à saint Vincent de Paul.
Il est ordonné prêtre en 1600 à l’âge de 19 ans. A la suite du Cardinal Pierre de Bérulle il fait lui aussi partie des grandes figures du renouveau spirituel du XVIIe siècle français.
En fait ce renouveau catholique va s’épanouir et s’implanter sur une large échelle entre 1629 et 1660. Ainsi de nouvelles fondations avec leurs séminaires naissent tel les Lazaristes de saint Vincent de Paul en 1642 (Vincent a alors 61 ans), les Saints Sulpiciens avec Monsieur Olier en 1642, les eudistes avec saint Jean Eudes en 1643 etc. Vincent fonde aussi avec Louise de Marillac, les Filles de la Charité.
Vincent écrit des ouvrages ou des sermons ainsi qu’une correspondance très importante. On évalue à plus de 30 000 le nombre des lettres échangées avec ses correspondants (lettres écrites ou dictées par Vincent de Paul, et lettres reçues). Il en reste de 6 000 à 7 000 en 1748, et à peine le dixième après le sac du prieuré de Saint-Lazare, le 13 juillet 1789.
Après 1660, et la disparition de ces fondateurs, l’élan créateur va ralentir de plus en plus et une période de querelles commencera qui se soldera par une décadence de la spiritualité et un repli de la mystique. Hypothéquée par le jansénisme et la querelle Fénelon-Bossuet, la spiritualité s’enferme alors dans la répétition et l’esprit de chapelle. Du côté de l’Ecole française les disciples codifient de plus en plus les inspirations de base les rétrécissant par le fait même. C’est cette image un peu guindée que bien des contemporains gardent des maîtres du XVIIe siècle français. Or il n’en est rien.
Ils étaient assidus à la fraction du pain
Je vous propose d’écouter le Père Jean-Pierre Renouard ancien formateur des séminaristes lazaristes et spécialiste de la spiritualité de Saint Vincent de Paul :
« La messe est le moment de rencontre privilégiée de Monsieur Vincent. Elle éclaire sa journée et il vit dans une atmosphère eucharistique qui se manifeste par une très grande dévotion au Mystère du Saint Sacrement.
Il est l’homme de la Trinité (c’est le patron de sa nouvelle congrégation), de l’Incarnation (il veut qu’on célèbre Noël de façon intense) et du Très Saint Sacrement de l’Autel. Tous ces mystères peut-on dire, s’emboîtent pour lui, les uns dans les autres. Mais le sacrement de l’Eucharistie est la concrétisation des deux premiers. D’où l’intense dévotion qu’il développe. Il entre spontanément dans les églises avec grand respect et tombe à genoux devant le tabernacle. Il aime s’attarder devant lui s’il n’est pas pressé par le temps. Il ne parle en sa présence pas et ne supporte pas les bavardages inutiles. (…)
Mieux encore : il lit son courrier devant la sainte réserve (…). Entrant et sortant de la Maison, il vénère d’abord le Maître des lieux en passant par la chapelle et en fait prescription à ses disciples (…).
Que dire encore si ce n’est qu’il célèbre tous les jours et s’il tombe malade – ce qui lui arrive assez souvent car il a ses accès de fièvrottes ! – il réclame la communion quotidienne. (…) Que faisons-nous de la communion fréquente ? Ou nous la banalisons ? Ou nous la négligeons ?
Il reste ses propos incisifs sur sa foi au Saint Sacrement comme cette remarque : « Ne ressentez-vous pas, mes frères, ne ressentez-vous pas ce feu Divin brûler dans votre poitrine, quand vous avez reçu le Corps adorable de Jésus-Christ dans la Communion ? (Abelly L.III. 77). Il donne des consignes fortes aux filles de la charité, consignes qui n’ont pas une ride : « Une personne qui a bien communié fait tout bien » (IX, 332). Cet enseignement est décisif pour la qualité de nos communions. Nous avons à faire cet acte de façon mieux désirée, mieux préparée et mieux vécue. S’approcher du pain eucharistique n’est en rien banal mais toujours nouveau et stimulant. Il nous construit spirituellement et nous engage en sainteté. Communier c’est désirer « devenir ce que nous sommes, le Corps du Christ » Y pensons-nous ?
Enfin, si nous sommes rétifs et trop rebelles à la communion fréquente, nous pouvons entendre saint Vincent nous stimuler : « Pensez-vous devenir capables de vous approcher de Dieu en vous en éloignant qu’en vous en approchant ? Oh, certes, c’est une illusion ! » (Coste I, 232). »
CDAS Joëlle Delfino, Commission Diocésaine d’Art Sacré, avril 2023